Veilleur de nuit
Le réverbère de ma rue
est un ami de longue date
matin et soir je le salue
d'une façon fort délicate
il reste là toujours fidèle
ne se plaignant jamais de rien
du vent, de la pluie, de la grêle
d'être un urinoir pour les chiens
il nous rend de petits services:
j'y attache ma bicyclette
il sert d'appui à la factrice
et les enfants y font grimpette
tout le jour il attend son heure
comme un phare attend la nuit
sentinelle aux airs de penseur
il dort debout et il s'ennuie
mais quand descend le crépuscule
il reprend vite des couleurs
d'abord jaune pâle sa bulle
vire à l'orange en sa rondeur
débute alors son ministère
de guide et d'éclaireur public
car lorsqu'on est un lampadaire
l'on se doit d'être oecuménique
pendant que la ville s'endort
et que le silence s'installe
il éparpille ses reflets d'or
du haut de son grand piedestal
il voit passer les amoureux
se baladant main dans la main
et offre sa lumière à ceux
qui, perdus, cherchent leur chemin
il rassure les gens apeurés
craignant qu'on leur torde le cou
et éloigne les délurés
cherchant à faire un mauvais coup
il sert joliment de manège
aux libellules, aux papillons
et l'hiver aux flocons de neige
qui autour de lui tournent en rond
il est ma lampe de travail
connaissant bien mes habitudes
le lumineux passe muraille
entrelaçant nos solitudes
il est aussi le compagnon
de mes longues nuits sans sommeil
le moderne et beau lumignon
qui sur mes songes et rêves veille
ah que j'aime depuis mon lit
bien au chaud par temps de froideur
voir glisser sur son verre poli
l'ivresse des profondes heures
et que j'aime au petit matin
entre les rideaux de ma chambre
voir flotter tel un diablotin
son gros téton couleur d'ambre
il a quelque chose d'humain
et quand l'aube à nouveau s'allume
l'on peut voir sur son globe éteint
perler quelques larmes de brume
Renaud le 26-09-2012 / Tous droits réservés