Gribouille
Mignonne pelote fragile
tu as roulé un beau matin
jusqu’à notre modeste asile
avec ton petit air mutin
il a suffit que tu nous lances
quelques regards et miaulements
pour que nos coeurs en concordance
t’adoptent instantanément
en découvrant ta jolie bouille
notre Marie a déclaré:
«Oh toi tu seras ma Gribouille»
ce prénom tu l’as adoré
ta belle robe blanche et grise
est marbrée comme le gâteau
donnant un air de friandise
à ton mignon petit museau
tu es si timide et craintive
qu’au moindre craquement ou bruit
dans une course convulsive
tu fuis te cacher sous un lit
tu y restes pendant des heures
à essayer de t’apaiser
mais cette improbable demeure
est seule à te tranquilliser
de là tu observes le monde
en jaugeant les événements
puis par un long chemin de ronde
tu te rapproches lentement
tu viens, tu nous frôles, nous flaires
te frottes bientôt contre nous
enfin redevenant grégaire
tu sautes alors sur nos genoux
installée comme une princesse
tu fermes tes jolis yeux d’or
et sous le jeu de nos caresses
tu t’abandonnes et tu t’endors
soudain d’un bond tu te redresses
et après quelques bâillements
vers la cuisine tu t’empresses
d’aller au ravitaillement
mais bien vite apparaît ta tête
avec un air tout dépité
car tu ne veux plus de croquettes
et tu réclames du pâté
désormais repue, satisfaite
tu t’installes sur ton coussin
t’engageant dans une toilette
digne du plus bel Abyssin
ah quel tableau, oh quel spectacle
que d’observer ton rituel
qui tient du divin immuable
beaucoup plus que du gestuel
tu es vraiment très élégante
quand tu lisses ton poil soyeux
ou qu’avec ta patte ondulante
tu nettoies ta tête et tes yeux
exténuée par cette affaire
tu t’affales et te mets en rond
et dans cet état circulaire
plonges dans un sommeil profond
tu aimes bien quand tu t’éveilles
aller te balader un peu
ou bien t’installer sous la treille
suivre les oiseaux dans leurs jeux
mais tu n’es guère aventurière
tu restes près de la maison
tu n’es pas un chat de gouttière
préférant de loin le gazon
là, allongée, tu te prélasses
sous le soleil tel un pacha
et s’il ose voiler sa face
tu lui fais des prechi-precha
tu as toujours été frileuse
aussi dès les primes fraîcheurs
tu n’es assurément heureuse
qu’étendue sur ton radiateur
les yeux tournés vers la fenêtre
tu regardes passer le temps
en nous servant de baromètre
de l’automne jusqu’au printemps
puis quand l’hiver et ses froidures
te mettent dans tous tes émois
tu files sous nos couvertures
et nous faisons ménage à trois
tu es gentille et agréable
avec un gai tempérament
l’on sent ce côté adorable
jusque dans ton ronronnement
tu ne sais pas être méchante
même quand passent des souris
tu gardes une mine accueillante
il faut voir leur air ahuri !
parfois tu peux être coquine
en chipant quelque bon butin
on le sait car sur tes babines
se voient les restes du festin
là tu te sens un peu fripouille
sachant bien ce que tu as fait
tu proposes alors des papouilles
tout comme si de rien n’était
tu es bien vite pardonnée
car en testant les aliments
de ta maîtresse bien-aimée
tu lui fais ainsi compliment
tu sais aussi être joueuse
t’amusant de tout et de rien
d’une ficelle ensorceleuse
ou bien d’un bouchon magicien
puis c’est ton moment de folie
tu fuses alors dans tous les sens
tu sembles fuir une ordalie
une embuscade, un guet-apens
tu veux en fait que l’on t’attrape
car tu attends impatiemment
que Marie, Hugo te kidnappent
et te câlinent intensément
le soir quand vient l’heure tardive
je me retire en mon bureau
tu sais bien qu’il faut que j’écrive
et tu me suis comme un moineau
tu me tiens alors compagnie
sous la lampe bien sagement
nous fusionnons nos insomnies
et nous passons de bons moments
avec zèle tu suis ma plume
tu l’accompagnes tendrement
et puis ton regard se consume
avant ton ensommeillement
j’y vois danser de jolies flammes
qui me font croire pour toujours
que les animaux ont une âme
puisqu’ils nous donnent de l’amour
Renaud Maugey le 29 juin 2014
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